Les jeux Olympiques vus par un vouzinois - Episode 1
Article de Audrey Benzaken, une journaliste du journal L'union de Vouziers (Ville du département français des Ardennes) :
Julien Potron vit en Chine depuis
deux ans (notre édition du 22 avril). En pleins JO, il nous livre ses
observations sur ce pays en fête. Premier volet du carnet de route d'un
Vouzinois expatrié.
Où avez-vous passé la cérémonie d'ouverture des JO ?
« J'ai vécu la cérémonie à Shanghai. Je suis resté une petite heure
devant un écran géant, avec des amis. Pendant ce temps, un Chinois se
tourne vers nous et, apparemment ivre, nous annonce qu'il est métisse
sino-japonais, mais que son cœur balance vers la Chine (quand on
connaît les relations sino-japonaise, on se dit que cela ne doit pas
être facile tous les jours). Mais qu'importe, nous sympathisons, malgré
l'alcool qui semble faire son effet chez ce jeune. La soirée passe. »
Et l'atmosphère de cette soirée ?
Photo : Marco de Mutiis.
« Ovations et applaudissements à la vue de Hu Jintao (NDLR : le président chinois). Beaucoup jugent les tenues des équipes nationales. Un collègue états-unien d'Amérique me suggère que les membres de la délégation Nord-américaine rentreront en tenue de G.I. Puis George W. Bush passe à la télévision. Il est hué par le public, américain et européen en majorité. Puis vient le tour de la délégation chinoise, standing ovation «Zhongguo Jiayou !» qui signifie «Allez la Chine !». Notre collègue sino-japonais s'improvise tribun et motive la foule, qui s'en donne à cœur joie. »
Comment et où vivez-vous ces JO ?
« Durant les JO, je serai entre Shanghai, la capitale économique
chinoise à l'est de la Chine et Xi'An, la capitale historique au centre
de la Chine. Je compte également me rendre durant la prochaine semaine
dans des villages du centre de la Chine. Une manière de tâter le pouls
de la Chine laborieuse, qui passera sans aucun doute à côté des
projecteurs olympiques. Mais qui possède tout de même la plus grande
part de responsabilité dans la réussite de ces JO.
Quelles personnes forment cette Chine laborieuse ?
« Ce sont les ouvriers paysans (mingong) prestement invités à
déguerpir de Pékin avant les JO, ou encore les mineurs, qui ont
multiplié la production du charbon par plus de 2.5 depuis 7 ans. Ils
permettent à la Chine d'économiser du pétrole, mais pas le gaz à effets
de serre. Je citerai aussi ces millions de paysans chinois qui, armés
de leurs faucilles, continuent à alimenter le quart de l'humanité. »
Quelle est l'ambiance autour de vous ? Ressent-on une atmosphère
particulière au sein de la population chinoise depuis le début des JO ?
« Dans une ville comme Shanghai, l'ambiance est au travail, même si la capitale économique accueille quelques compétitions. Les gens continuent leur vie le plus normalement
possible. Ayant interpellé quelques commerçants qui regardaient un
feuilleton, je leur ai lancé : « alors les Jeux ? Vous ne les regardez
pas ? » Ceux-ci m'ont répondu en cœur : « On se repose un peu ! »
Et à Pékin ?
« Je m'y suis rendu quelques jours avant les JO et l'ambiance est à
la sécurité ! Jamais je n'avais vu de tels déploiements de forces de
l'ordre en Chine, malgré leur visibilité permanente tout au long de
l'année. Je dois dire qu'ils ont fait très fort. »
Et Xi'An ?
« Là-bas, les JO n'ont lieu qu'au travers de la télévision, de la
radio et des journaux. Il ne semble pas y avoir plus de touristes qu'à
l'habitude (NDLR : Xi'An abrite les fameux guerriers de terre cuite).
Beaucoup semblent être venus tout spécialement pour les JO, à
l'image de ce groupe d'une vingtaine de jeunes de la région parisienne
faisant un crochet par Xi'An avant d'aller encourager, à Pékin, la
judoka Lucie Décosse. »
***
Des étudiants sous influence…
« Pendant la cérémonie, le métisse sino-japonais s'est faufilé
derrière l'écran muni d'un couteau. Et après avoir insulté les
étrangers, l'homme a coupé le câble d'alimentation de l'écran géant.
Explosion puis extinction instantanée. L'homme s'est fait poursuivre
par des membres de la sécurité. Tandis que je prends quelques photos,
la police arrive en moto pour le neutraliser. Des jeunes étudiants
chinois affolés s'approchent de moi et me lancent de ne pas prendre de
photos et de ne surtout pas les mettre sur Internet. Un jeune plus
excité que les autres m'ordonne de respecter la Chine. Plus tard, un
membre de la sécurité demande gentiment aux étudiants de me laisser
tranquille.
L'explication à ce mouvement de panique tient à ce que les
étudiants vivent en internat depuis le collège. Ils subissent un
entraînement militaire au début de chaque semestre, et bénéficient de
clubs de propagande durant leur scolarité. Ils sont de loin les
personnes les plus naïves et infantilisés par le gouvernement.
Certes les exceptions existent, mais il est toujours frappant de
constater à quel point le nationalisme, les discours simplistes, et les
idées reçues ont un tel impact sur la jeunesse. Au-delà de la question
des droits de l'homme, ces comportements sont bien plus à craindre pour
l'avenir de la Chine. »
PHOTO : Selon Julien Potron, les Occidentaux constatent, depuis les événements de mars dernier, l'influence de la propagande auprès de la population qui veut renvoyer à tout prix l'image d'un pays parfait.